IA : les robots (ap)prennent la clé des champs
De nombreuses applications de l’intelligence artificielle intégrée au machinisme agricole sont déjà déployées commercialement. En grandes cultures, il reste cependant à trouver les bons modèles économiques.
Robotique d’une part et intelligence artificielle de l’autre. Telles sont les deux faces d’une même médaille, celle de l’agriculture dite 4.0, qui s’annonce comme une petite révolution en matière d’automatisation dans les métiers du secteur. Grâce à une forme d’intelligence permettant de capter des signaux, de les interpréter et de les transformer en consignes, la robotisation débarque dans les champs, en s’adaptant à des contextes agricoles par nature très hétérogènes et changeants. Il devient même possible d’envisager la conduite de chantiers agricoles entièrement autonomes, avec réduction drastique de la quantité d’application de produits phytosanitaires, désherbages mécaniques ciblés, labours modulés en fonction de la nature du sol, etc.
Il ne s’agit pas simplement d’agriculture de précision (3.0), ou digitalisée (2.0). Les applications ne fonctionnent plus de manière séparée mais entre elles de façon convergente et, surtout, elles sont capables d’une forme d’adaptation et d’apprentissage. Un tracteur autonome qui a parcouru une première fois une parcelle sera ainsi plus rapide la fois suivante car il aura “appris” la configuration du terrain et ses obstacles éventuels.
Les équipementiers en machinisme agricole ont déjà mis au point de nombreuses applications dites intelligentes. En France, 75 % des agriculteurs possèdent déjà au moins un outil robotisé, et 50 % utilisent les systèmes GPS pour améliorer la précision de leurs travaux, selon un article du gouvernement français sur la French Tech écrit dans le cadre de France 2030.
Le tracteur autonome
Avant de parler d’autonomie complète de la traction agricole, il existe déjà sur le terrain depuis les années 2010 des dispositifs permettant à l’agriculteur de confier la conduite à un ordinateur, à travers un asservissement hydraulique commandé via un guidage satellite. Ces systèmes sont d’ailleurs arrivés dans les champs bien avant qu’ils n’équipent les voitures à usage civil, pour des applications entièrement autonomes, comme celles de Tesla, ou d’autres sous forme d’assistance à la conduite.
Le constructeur John Deere promet l’arrivée imminente à la vente d’une solution de labourage autogérée. « Nous souhaitons d’abord perfectionner l’autonomie sur cette étape de travail, notamment à travers un réglage automatisé de la profondeur en fonction des conditions de sol. Mais notre feuille de route pour la conduite sans pilote prévoit de couvrir l’intégralité du cycle de production, avec un système totalement autogéré en maïs et soja à l’horizon 2030 », souligne Brandon Page, responsable marketing de l’enseigne américaine. Des kits seront proposés pour rendre autonomes des tracteurs construits depuis 2020.
Une vision LiDAR
Pour parvenir à l’autonomie complète, les outils doivent être notamment équipés de suffisamment de capteurs, voire de système d’autonettoyage ou d’automaintenance, en cas de bourrages de terre, par exemple. Une limite reste aussi la sécurisation de ces chantiers, en conformité avec la réglementation.
Des caméras LiDAR (pour Light Detection and Ranging, détection et télémétrie par la lumière, en français) sont ainsi généralement embarquées, associées à de l’intelligence artificielle pour que la machine puisse comprendre l’environnement et s’y adapter de façon sécurisée. Le système de vision du tracteur agit « comme un œil humain, il détecte les obstacles sur le terrain, estime la distance par triangulation et traite l’image… tout cela en cent millisecondes. S'il capte une anomalie qu’il ne reconnaît pas, il s’arrête automatiquement et vous envoie une alerte », assurent les services de John Deere. Le constructeur avance qu’un tracteur autonome est capable de valoriser au maximum des conditions météorologiques favorables, ainsi que de mieux écraser ses charges de mécanisation sur un volume d’hectares plus important.
Au-delà des tracteurs autogérés, se développent aussi sur le terrain des robots porte-outils, pour des applications requérant peu de puissance de traction. Le robot agricole solaire FD20 de FarmDroid (Danemark) est ainsi capable de semer mais également de réaliser un désherbage de précision. Le constructeur français Naïo Technologies avait été précurseur en la matière avec le lancement de ses robots Oz, Dino, Ted, Jo et Orio.
Moins de chimie
L’une des promesses de ces technologies est aussi de réduire le recours aux produits phytosanitaires. Avec les possibilités de l’imagerie numérique couplées à des algorithmes d’identification, les pulvérisateurs peuvent désormais cibler les parties à traiter, comme les mauvaises herbes. C’est ce que fait déjà sur le terrain un matériel comme l’Ara, du constructeur suisse Ecorobotix. Le dispositif permet des économies de 96 % d’herbicides. Pour accompagner le déploiement de ces solutions, un programme franco-belge AgRoboConnect a été mis en place avec des fonds européens. Ses objectifs principaux sont de faciliter la transition vers des systèmes de culture robotisés — en particulier pour le désherbage —, dans le but de réduire l’usage des produits phytosanitaires chimiques, d’alléger la charge de travail des exploitants, et d’améliorer la durabilité des pratiques agricoles.